Le 10/10/2016. « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. » avait beau jeu de dire Confucius. Trouver sa vocation n’est pas toujours chose aisée. Tout le monde n’a pas une prédisposition naturelle pour un métier. Plus modestement, quelles sont les particularités d’un emploi qui facilitent la satisfaction au travail ?
Après plusieurs décennies de recherches sur le sujet, les caractéristiques les plus propices à la satisfaction au travail se dégagent assez nettement. Peter Warr, de l’Institut de Psychologie du Travail de l’université de Sheffield en Angleterre, en a dressé la liste. Celle-ci comporte douze éléments. Il s’agit :
- du niveau de contrôle personnel ;
- de l’opportunité d’utiliser ses compétences et d’en acquérir de nouvelles ;
- d’objectifs stables, cohérents et atteignables ;
- de la variété (dans les tâches, les rencontres sociales, les lieux de travail…) ;
- de la clarté (dans la fonction, les objectifs, les perspectives, l’évaluation du travail…) ;
- des contacts interpersonnels (quantité, qualité, part du travail en équipe…) ;
- des contreparties financières ;
- de la sécurité physique ;
- de la valorisation sociale de la fonction (contribution à la société, prestige social à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisation…) ;
- du soutien hiérarchique (considération, bienveillance, reconnaissance et traitement équitable par les supérieurs…) ;
- des perspectives de carrière (sécurité de l’emploi, possibilités de promotion et de mutation…) ;
- et enfin du sentiment de justice (dans les traitements au sein de l’entreprise, dans les relations avec le reste de la société…).
Vitaliser son travail
Tous ont été validés comme ayant une influence positive sur la satisfaction au travail. La relation n’est toutefois pas linéaire. Peter Warr compare l’effet des différentes caractéristiques des emplois sur la satisfaction au travail à l’effet des vitamines sur la santé physique. Comme pour les vitamines, leur effet est positif jusqu’à une certaine teneur. Passé ce niveau, l’effet d’une augmentation devient nul pour certains (comme les vitamines C et E) voire toxique (comme les vitamines A et D). Les six premières caractéristiques de la liste sont de type AD (effet négatif à haute dose) quand les six dernières sont de type CE (plafonnement de la satisfaction à haute dose). Trop de contrôle peut rendre le travail ennuyeux. Trop de variété dans les tâches à effectuer peut au contraire diminuer la sensation de contrôle. Des objectifs trop stables et trop facilement atteignables peuvent heurter la stimulation. Des contacts multiples peuvent empêcher de nouer des relations humaines solides avec ses collègues. Etc. Pour les six premières dimensions, il s’agit de ne pas verser dans les extrêmes.
Rechercher l’adéquation
L’influence des différentes dimensions dépend en outre des caractéristiques personnelles des travailleurs. Plus l’individu a une préférence marquée pour une certaine dimension, plus l’impact de cette dimension sur sa satisfaction sera important et plus son seuil personnel (d’inflexion ou de satiété) sera repoussé. Quelqu’un qui a une forte aversion à l’ambiguïté continuera de bénéficier d’une clarification de sa tâche à des niveaux où un autre travailleur pourra y perdre en plaisir*.
Il en est de même pour le travail de groupe. Dans une expérience de terrain menée au sein d’un call center, des chercheurs ont pu constater l’impact sur le bien-être au travail d’un changement organisationnel impliquant une augmentation du travail en équipe**. De manière logique, l’augmentation de la satisfaction a été la plus importante chez les personnes qui avaient rapporté avoir une forte préférence pour le travail de groupe.
La satisfaction au travail dépend au final de l’appareillement entre les caractéristiques du travail et les caractéristiques psychologiques du travailleur. Les douze dimensions repérées par les chercheurs répondent à des besoins humains fondamentaux partagés par tous mais avec une sensibilité qui varie entre les individus. Pour bien choisir son emploi, il s’agit donc d’identifier ses propres besoins et d’essayer d’estimer si l’emploi visé saura les satisfaire.
Références :
*Keenan A. et McBain G. (1979), « Effects of Type A behavior, intolerance of ambiguity and locus of control on the relationship or role stress and work-related outcomes », Journal of Occupational Psychology, 52, 277-285.
**Workman M. et Bommer W. (2004), « Redesigning computer call center work: A longitudinal field experiment », Journal of Organizational Behavior, 25, 317-337.
(le contenu de cet article est tiré du livre Heureux comme Crésus ? Leçons inattendues d’économie du bonheur, éditions Eyrolles)